jeudi 6 mars 2008

Histoire de la Charanga


Extraits traduits du "Diccionario de la Música Cubana", de Helio Orovio:

CHARANGA:
Type d’orchestre appelé également "CHARANGA FRANCESA”. Elles apparaissent dans les premières années du XXe siècle, en tant que format dérivant de l’orchestre "TÍPICA" (“typique”) ou "DE VIENTO" (“à vent”).
Elles interprètent, principalement, des DANZONES, puis, à partir de l’explosion du CHA-CHA-CHÁ (1951), elles furent le véhicule idéal de ce nouveau genre.
Elles étaient originellement composées de: flûte, violon, piano, contrebasse, timbal ou “paila criolla”, et güiro; plus tard on y introduisit la tumbadora, deux violons de plus et trois chanteurs.


DANZÓN:
Genre dérivé de la “DANZA CRIOLLA”. Son nom vient de l’augmentatif du mot “Danza” et d’une danse de figures collective exécutée par des couples pourvus d’arceaux et de branches fleuries (…). (moitié du XIXe siècle).

(Charanga Típica de Enrique Peña)


L’influence française est triplement fondamentale dans la charanga cubaine:

1° les colons français installé en Haïti fuyant d’abord la Révolution Française (les nobles, en 1789) puis la Révolution Haïtienne (en 1801), et enfin ceux fuyant la Louisiane vendue par Napoléon aux États-Unis (en 1812) ont apporté avec eux un style de musique et de danse, la CONTREDANSE “A LA FRANCESA” (dérivée de la “Country Dance” anglaise) qui fut populaire en “Oriente” (provinces de l'est de Cuba) dans les salons de danse pour blancs.

2° le format d’orchestre courant dans la musique française du XVIIIe siècle de salon (piano, flûte, violon) va s’imposer comme nouvelle instrumentation, qui, avec l’ajout de la contrebasse, du timbal ou “paila criolla”, d’un second violon et du güiro, va détrôner le format d’orchestre “à vent” utilisé auparavant à Cuba. De deux violons on passera plus tard à quatre, ou à un quatuor à cordes.

3° les esclaves haïtiens venus avec ces mêmes colons français avaient eux-mêmes leur propre contredanse “à l’Africaine” utilisant des percussions africaines et des danses européennes. L’usage dans les percussion africaines d’une figure rythmique appelée à Cuba “cinquillo” va s’imposer dans le Danzón, une musique pour blancs. (A la fin du XIXe siècle, les noirs étaient majoritaires chez les musiciens profesionnels).

(Orquesta Antonio María Romeú)


Le rythme communément employé pour accompagner la contradanza est le “RITMO DE TANGO”, plus tard nommé “de habanera”. Les contradanzas cubaines étaient jouées par des “típicas” composées de: deux violons, deux clarinettes, une contrebasse, un bugle, un trombone, une ophicléide, les pailas cubaines et un güiro.”
(Olavo Alén Rodríguez “de lo Afrocubano a la Salsa”)

Le mot espagnol "Charanga" signifie littéralement "fanfare".
En dehors de Cuba, on utilise également le mot de "charanga" pour qualifier certains types d'orchestres, au Venezuela et en Colombie.
Le Danzón, lui, sous son ancienne forme "de viento" s'est exporté au Mexique, où il existe également une tradition perpétrée par les orchestres appelés "Danzoneras" (voir le film mexicain "Danzón").
Comme nous allons le démontrer dans les futurs articles, le style "Charanga" n'est pas à Cuba un style en voie de disparition, même si le grand public connaît mieux, depuis le phénomène "Buena Vista Social Club", les orchestres de Son et de Salsa.
Le terme-même de "Buena Vista Social Club" est anglicisé:
il correspond au titre d'un Danzón appelé "Social Club Buena Vista", indicatif musical de l'ancien club de danse du même nom.
Aux USA, la tradition de la Charanga existe depuis les années 1950, et en Europe, comme nous le verrons plus loin, il existe également quelques orchestres de ce format.

(Affiche d'Arcaño y sus Maravillas)


Les figures de danse de la contradanza viennent des menuets, quadrilles et autre lanciers apportés par les français.

Le Danzón est plus lent et plus varié que la contradanza ou la danza, et contient plusieurs parties et plusieurs figures de danse de couples. On pourrait considérer que le Danzón n’est que l’ajout d’une nouvelle partie à la Danza (ralentie).

Les principales parties du Danzón sont:
-le premier Danzón, contenant le “PASILLO”, partie non-dansée, où les danseurs se saluent et marchent côte à côte en devisant (la chaleur de tropiques nécessitait, selon certains, ce passage “de repos” pour les danseurs.
-le second Danzón ou “TRÍO”, joué par le ou les violons, plus doux, entièrement dansé.
-le dernier Danzón, qui emprunte à la Rumba (de l’époque) et au Son, un “refrain” répétitif où l’on introduira ensuite un choeur répété à l’identique, élément africain déjà présent dans la Rumba et le Son.

(Charanga José Belén Puig)


MANUEL SAUMELL composa au milieu du XIXe siècle des contradanzas qui selon certains auteurs préfiguraient déjà le Danzón, mais MIGUEL FAILDE est reconnu par tous comme l’auteur des quatre premiers danzones, dont “Las Alturas de Simpson” (1879), considéré comme “Primer Danzón”.


“Le Danzón, tel qu’on le joua à partir de 1880 (…) devait être jusqu’aux environs de 1920, la danse nationale de Cuba. Pendant une quarantaine d’années, il n’y eut aucun événement qui ne fût fêté au moyen d’un Danzón. Il y eut des danzones pour saluer l’avénement de la République (indépendance de Cuba), des danzones politiques, des danzones patriotiques, des danzones de la 1ère guerre mondiale, des danzones faits avec de célèbres airs d’opéra ou d’opérette. A partir de 1910, tout élément musical utilisable passait au Danzón: boléros, ragtime, chansons des marchands de rue (“pregones”), airs de Rossini, couplets espagnols et même mélodies chinoises (…).”
(Alejo Carpentier, “La Musique à Cuba”)

Les grands orchestres de l’époque sont celui d’ANTONIO MARÍA ROMEÚ, de NENO GONZÁLEZ, de CHEO BELÉN PUIG, La CHARANGA RUBALCABA, SIGLO XX, MELODÍAS DEL 40…
Le déclin du Danzón s’annonçait déjà avec ces mélanges, et le jazz, avec son dynamisme et sa tonicité, débarquant sur l’île dans les années 1916 avec la première revue noire américaine finit d’achever son succès.
L’apparition du Cha-cha-chá, inventé par ENRIQUE JORRÍN en 1949 avec “La Engañadora” fut le renouveau de ce format d’orchestre, qui gagna alors les États-Unis et le Monde entier. Les orchestres célèbres de l’époque: La ORQUESTA ARAGÓN, La SENSACIÓN, La ORQUESTA AMÉRICA, La ORQUESTA SUBLIME…

(Orquesta Pancho El Bravo)


La France connaît alors une nouvelle vague de “musique typique”, déjà connue avec les bals nègres et la musique des Antilles françaises, et DARIO MORENO reprend de nombreux thèmes cubains en les traduisant. Le Cha-cha-chá fait son entrée dans les bals-musettes.
Le Cha-cha-chá est en fait la troisième partie du Danzón, sauf qu’il est toujours enjoué, voire comique.
Les Charangas, grâce à leur succès mondial, se maintiennent pendant les années 70 en utilisant synthétiseurs et batterie, (Los VAN-VAN, La RITMO ORIENTAL, LA 440, MARAVILLAS DE FLORIDA, ORQUESTA ARAGÓN) et jusqu’à nos jours, où, même dans la vague de musique moderne cubaine (“Timba”) des charangas anciennes subsistent, ne gardant parfois qu’un seul violon (Los VAN-VAN, La CHARANGA HABANERA, La ORQUESTA ALIAMÉN, MARAVILLAS DE FLORIDA…).